17 Juin 2019
Cécile Martinaud - Monteuse
“L’expérience de l’encadrement au montage est plurielle. C’est d’abord un travail de tension, il faut tenir des jeunes réalisateurs tout au long du processus afin qu’ils ne se noient pas dans leurs propres rushs, tout en permettant un jeu de liberté pour qu’ils trouvent la bonne distance avec leurs projets.
Une monteuse se doit d’avoir une longueur d’avance sur la forme du film tout en laissant les réalisateurs s'emparer de leur propre matière.
Lorsque je derushes, j’aime être vierge de toutes informations pour laisser les plans exprimer l’intention du film. J'aime recevoir intuitivement les images , sans les orienter, puis trouver le vocabulaire du film et le faire résonner avec l’écriture initiale. J'essaye de voir le fil, sa texture, son chemin et d'aider l’auteur à le dérouler.
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Le plus dur, c’est quand le réalisateur a perdu ses intentions en route, il est collé à son sujet et ne manipule plus les réseaux de sens qu’il avait lui-même mis en place.
Je dois insuffler la direction d'une forme, d'un réseau de sens, qui pour moi remonte de manière flagrante à la surface des rushes. Pour les étudiants ce n’est pas toujours une évidence, soit parce qu’ils sont trop proches de leurs sujets soit ils n’en n’ont pas conscience ou parfois sont sans outil pour formuler le noyau de leurs projets.
Se posent alors de vraies questions de respects des propositions d’écritures, car ce sont des réalisateurs mais également des étudiants dont certains expérimentent pour la première fois ce travail de montage.
Les jeunes réalisateurs se perdent parfois devant la trop grande distance entre les envies et le résultat des premiers bout à bout.
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Parfois la frontalité de certains projets ou le caractère trop personnel peut faire oublier l’adresse aux spectateurs et réduire le sujet à une intimité trop fragile voire douloureuse. Il faut parfois protéger le réalisateur de son manque de distance, et l'aider à se détacher, à construire pour mieux voir . C'est un des rôles du monteur.
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On parle de RUSHS FLEUVES lorsque les plans sont tournés sans construction, sans écriture, sans extinction de caméra avec des durées inconfortables qui nécessite tout un travail de réécriture au montage, on se noie souvent dans les rushs fleuves et même si c’est une belle expression elle est révélatrice d’un manque de rigueur au tournage.
J’aime énormément le travail de montage avec les étudiants car j’ai l’impression de plonger dans des imaginaires et de participer autant à l’écriture qu’au résultat final.
Anouck Everaere