12 Novembre 2013
Le 4 novembre Claudio Pazienza est venu 4 jours pour intervenir à Lussas auprès des 12 étudiants en réalisation.
Une fois le tour de table passé, chaque visage porte un nom, on peut commencer.
Claudio commence à peu près comme ça, avec du temps entre chaque mot:
"Quand je viens ici je ne sais pas ce qui m'attend. C'est une expérience "dangereuse" à chaque fois. Lussas reste un lieu où l'on peut essayer les choses. Le champ des possibles, c'est Lussas.(...)
Au fond la question qui traverse notre travail, c'est le réel. C'est une question tordue, compliquée.
Qu'est-ce que le réel? (...)
Bresson dans ses Notes sur le cinématographe, dit:
"Montrez ce qui sans vous ne serait pas vu".
Ça m'a toujours intrigué...L'accent n'est pas mis sur le sujet.
C'est les deux: c'est vous et le sujet. La rencontre entre une pensée et le monde.(...)
Roland Barthes dit que le réel n'est pas ce que je vois. Qu'il n'occupe pas tout le champ du visible.
Quelque chose d'invisible s'agite dans le visible. Je ne sais encore pas bien ce que c'est. Dès lors le travail du documentariste consiste à trouver une forme à cette chose invisible. (...)
Les mains de Claudio s'agitent, et les mots pèsent dans ses mains. Les étudiants sont toujours là. Ils écoutent, notent et questionnent.
Il continue...
(...)
Le rituel de faire un film me donne l'opportunité unique d'approcher quelque chose qui était inatteignable.
Appelons RENCONTRE la possibilité d'être transformé par l'expérience.
Je ne suis pas intéressé par l'originalité du sujet. Je suis séduit par l'expérience qu'a provoqué la rencontre entre un espace extérieur et un espace intérieur.
LA RENCONTRE ET L'EXPÉRIENCE...
(...)
"Pour voir il faut un point de vue, Tout point de vue limite la vue et sans point de vue on ne voit rien du tout" disait Merleau Ponty.
C'est un paradoxe. La connaissance permet d'approcher quelque chose et d'avoir conscience de passer à côté des choses. C'est un constat douloureux.(...)
Dans l'expérience je décide de lâcher un peu. Toute connaissance intègre la possibilité d'une fissure.
Au-delà de ma certitude, quelque chose s'annonce...
Au-delà de ma certitude, quelque chose s'annonce...
Au-delà de ma certitude, quelque chose s'annonce...
Le débat sur la question du naturalisme, comme tendance actuelle dans le documentaire est discutée. Claudio se désole de cette obsession naturaliste qui réduit à capter le visible, qui ne rend pas compte du réel, qu'il considère comme une idéologie du visible, qui prétend que le réel est dans une finitude...
Claudio amène progressivement les extraits des films qu'ils regardent ensemble dans la salle de cours. Chaque extrait fait l'objet de questions, de discussions, et conduit petit à petit à l'exercice de tourné-monté que Claudio va leur proposer.
Ils visionnent:
La vache qui rumine, de Georges Rey, 1969, 3mn
Bread day, de Sergei Dvortsevoy, 1998, 55mn
Las Hurdes, Luis Bunuel, 1932, 27mn
Pétition- La cour des plaignants, de Zhao Liang, 2009, 118mn
Ces films ont en commun d'accueillir, de dénoncer la plainte d'autrui, de créer un écho autour de cette plainte. Ces films ne sont-ils pas un moyen de porter plainte ? Non face à un juge mais face à un spectateur?
Juge, toi, Spectateur!!
Pourquoi le documentaire s'occupe-t-il plus de la plainte que du bonheur ?
Aussi la journée se termine sur l'énnoncé de l'exercice à faire. Ils auront une journée et demi pour aller à la rencontre d'une personne et filmer leur récit, celui d'une plainte, de quelque chose qui a fait l'objet d'un mécontentement dans leur vie.
Un tourné-monté de 6 mn maximum. Avec bien d'autres contraintes. Un aller et retour entre l'écoute et la quête, écouter puis aller voir, puis revenir écouter, pour voir comment on écoute...
Quelques enregistrements des rencontres et des discussions entre Claudio et les étudiants seront consultables bientôt...